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Pourquoi témoigner ?
Anne-Geneviève Montagne
Pour beaucoup de chrétiens, le témoignage est comme un caillou dans la chaussure : ils ont peur de parler, mais ils culpabilisent de ne pas le faire... Bref, c’est un sujet pénible ! Alors « Pourquoi témoigner ? » Quel que soit le sujet, revenir au pourquoi n’est jamais une perte de temps. Il s’agit d’interroger nos motivations pour nourrir notre désir de nous jeter à l’eau ! Pas de suspense insoutenable : il n’y a au fond qu’une seule raison valable: «La charité du Christ nous presse ». Dans ce premier épisode nous allons explorer 4 amours qui nous poussent au témoignage.
1. Nous témoignons par amour pour Dieu
C’est l’amour reçu du Seigneur qui fonde le témoignage. Cet amour suscite naturellement dans nos cœurs une réponse. Le Magnificat de Marie est le modèle du témoignage. Dans sa joie d’avoir été choisie, aimée par Dieu, elle témoigne auprès d’Élisabeth de la bonté du Seigneur pour elle et pour toute l’humanité.
a. En témoignant nous faisons sa volonté
« Que ta volonté soit faite. » Quelle est cette volonté ? Parmi les ordres-promesses que le Seigneur nous a donné, il y a celui-ci : « Allez et de toutes les nations faites des disciples ». C’est une invitation que le Seigneur nous adresse, : nous engager de notre plein gré et avec joie à faire bénéficier les autres du bien qu’il nous a fait.
b. En témoignant nous nous tenons proche de Jésus
Comme un moment d’oraison ou d’un temps d’adoration, le temps de la rencontre missionnaire permet de goûter une intimité très profonde avec le Seigneur. Nous y sommes unis au cœur de Dieu d’une manière toute particulière. Nous épousons le mouvement de Jésus, qui sort du sein du Père pour réconcilier les hommes avec lui, et nous recevons une double part de son amour et de sa joie.
2. Par amour pour l’Eglise
a. Nous témoignons par reconnaissance
La foi nous a été donnée par Dieu, bien sûr, mais aussi par l’intermédiaire de quelqu’un qui a été un témoin pour nous. Qui ? Cela peut être très évident pour certains un parent, ami, prédicateur, religieux, missionnaire de rue... Pour d’autres c’est plus diffus. Mais la médiation humaine même discrète existe. La personne qui a écrit ce livre, celle qui a composé ce chant, tourné ce film, laissé traîner cette bible, dessiné ce tract, médité ce chapelet au micro, ... Par leurs actes, par leurs paroles, une nuée de chrétiens a créé le climat, les conditions, l’occasion de votre rencontre avec le Christ. En remontant les lignées spirituelles, nous nous découvrons les héritiers d’une multitude de personnes à qui nous devons d’avoir la foi. Dans l’histoire, l’Église s’est construite sur la parole des apôtres, puis s’est consolidée par le témoignage des saints. Le témoignage est un geste d’amour envers les générations précédentes. Il manifeste notre conscience de la valeur du don reçu.
b. Nous témoignons pour plus de vie dans nos communautés !
« Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ». En témoignant, nous ne cherchons pas à faire perdurer un folklore sur le déclin, ce ne sont pas les ossements du passé que nous exhibons pour nous rassurer sur notre identité. C’est la vie qui est partagée et communiquée. Il est aussi naturel de vouloir que l’Église enfante que de désirer enfanter soi-même.
C’est aussi la qualité de la vie dans l’Eglise qui est meilleure quand nous témoignons. Le témoignage renforce les liens fraternels au sein de l’Église. À de nombreuses reprises, j’ai eu la grâce de donner des formations au témoignage dans des paroisses. Des frères et sœurs d’une même communauté se découvraient d’un seul coup sous une nouvelle lumière ! M’émerveiller de la manière dont Dieu a rejoint tel ou tel m’aide à aimer mieux cette personne et à découvrir (et imiter) l’infinie créativité de Dieu qui s’adresse à chacun selon son besoin et son identité.
Enfin, le témoignage d’un frère est souvent un escabeau qui nous aide à franchir la marche qui était trop haute pour nous. Je me souviens qu’avoir entendu un jour une personne témoigner en public m’a aidée à confesser un péché que je n’avais jamais osé avouer. Le témoignage est donc un cadeau qui édifie, encourage l’Eglise. Le témoignage est une arme antisclérose d’une efficacité redoutable. Lisant et liant les événements à la lumière de la foi, le témoignage remet sans cesse la relation au Christ au cœur de nos vies.
3. Par amour pour moi
Les effets positifs du témoignage sur le témoin lui-même sont nombreux. Témoigner muscle notre foi, enracine les dons de Dieu, nous fait redécouvrir qui nous sommes et nous permet de vivre ce pour quoi nous avons été créés. Devant tant de vertus bénéfiques, je devine que les plus hésitants sont prêts à sauter le pas.
a. En témoignant je réponds à ma vocation baptismale
Si nous lisons l’appel de Moïse en Ex 4, nous voyons que ce ne sont pas les aptitudes naturelles, ni les compétences oratoires qui font le témoin, mais l’appel du Seigneur. Vous vous demandez peut-être si vous avez reçu un tel appel. Si vous êtes baptisé, si Dieu vous a fait le cadeau immérité de la foi, la réponse est oui ! En tant que membres de l’Église, nous avons tous reçu personnellement l’appel à être des témoins. Cet appel retentit à la fin de chaque évangile, et l’Église n’a cessé de le relayer. Il nous revient à tous de rendre gloire à Dieu dans notre Décapole. Jésus nous dit comme au démoniaque gérasénien : « Rentre à la maison, auprès des tiens, annonce-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde »
b. En témoignant je découvre mon identité et ma mission
Nous avons chacun une mission propre, particulière à remplir. Comme le dit le pape François dans son exhortation sur l’appel à la sainteté dans le monde actuel : « Chaque saint est une mission ; il est un projet du Père pour refléter et incarner, à un moment déterminé de l’histoire, un aspect de l’Évangile. [...] Toi aussi, tu as besoin de percevoir la totalité de ta vie comme une mission. Essaie de le faire en écoutant Dieu dans la prière et en reconnaissant les signes qu’il te donne. Puisses-tu reconnaître quelle est cette parole, ce message de Jésus que Dieu veut délivrer au monde par ta vie ! » Témoigner, c’est avant tout se reconnaître aimé et devenir attentif à l’œuvre de l’amour en nous pour y collaborer et lui permettre de rayonner au-delà de notre vie individuelle.
c. En témoignant je multiplie les dons reçus
Pourquoi moi ? Il est légitime que cette question nous traverse l’esprit ou le cœur. Pourquoi ai-je la foi et pas mon cousin qui a pourtant reçu la même éducation? Pourquoi cette collègue qui cherche avec beaucoup de courage le sens de la vie ne rencontre-t-elle pas le Christ ? « [Dieu] veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité» Lorsque Dieu choisit quelqu’un en particulier, c’est toujours une manière de bénir le monde entier. C’était vrai pour Abraham, pour Moïse, pour les apôtres. C’est vrai pour moi aussi. De même qu’Israël a été choisi pour le salut des nations, je suis choisie pour celui de mon cousin et de ma collègue.
4. Par amour pour les autres
Si vous avez peur de témoigner, si vous vous en sentez incapable, c’est normal. Il y a un fort enjeu spirituel : votre témoignage peut permettre à une nouvelle vie d’accueillir la puissance transformante de l’Évangile. Qui dit enjeu dit combat ! Ce combat peut se manifester par un sentiment d’indignité, de la paresse ou de la peur.
« Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3). Au jour de notre mort, nous devrons accueillir Jésus comme juge de notre vie. L’avoir connu ici-bas, nous être exposés à sa lumière nous aidera à le reconnaître, à accueillir sa justice qui consumera tout ce qui n’aura pas été charité dans nos vies. Le témoignage vise ni plus ni moins que le salut. Notre objectif n’est pas d’abord d’avoir plus de monde à la messe dimanche prochain ! Notre désir est qu’aucun ne se perde.
Pour croire, il faut toujours, à un moment ou à un autre, une parole explicite. Nous avons besoin de personnes dont le témoignage soit suffisamment clair pour, à travers elles, entendre une parole de la part de Dieu. Tous ont besoin d’aînés dans la foi, qui d’abord leur donnent la Parole puis leur enseignent comment la mettre en pratique. Les Actes des apôtres nous rapportent une très belle rencontre missionnaire entre Philippe et l’eunuque de la reine Candace au chapitre 8. À la question de Philippe « Comprends-tu ce que tu lis ? » L’autre lui répond: «Et comment le pourrais-je s’il n’y a personne pour me guider ? » Il invita donc Philippe à monter et à s’asseoir à côté de lui. (…) Alors Philippe prit la parole et, à partir de ce passage de l’Écriture, il lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus. »
Raviver la soif de Dieu est un des rôles du témoignage. Le témoignage doit mettre en appétit. Nous devons à la fois rejoindre les gens sur les questions qu’ils se posent déjà et les aider à faire émerger des questions fondamentales qui sont présentes sans qu’ils en aient conscience. C’est pourquoi le témoignage intervient toujours après un vrai temps d’écoute où l’on a pris le temps de recevoir la situation spirituelle de notre interlocuteur. Dans l’épisode du buisson-ardent, Moïse, intrigué par le signe, fait un détour. Le témoignage est de cette nature : quelque chose brûle chez le témoin ; poussé par la curiosité, je m’approche de la flamme et, dans ce feu, j’entends soudain une parole qui m’est adressée, à moi. Notre but est que la personne interpellée découvre dans sa vie la trace de Dieu. Comme des sourciers, nous cherchons à faire jaillir la nostalgie de Dieu parfois bien enfouie au cœur de tout homme.
Le témoignage est utile en situation de doute, de litige ou de conflit. En cas de désaccord, on attend des témoins qu’ils partagent ce qu’ils ont vu pour tirer l’affaire au clair. Depuis le péché originel et parce que Satan est menteur dès l’origine, le cœur de l’homme est aveuglé, son jugement faussé. Dans une époque où la pensée dominante est l’athéisme, nous avons le rôle de semer le doute chez les incroyants ! Beaucoup grandissent en pensant que le minimum d’intelligence attendu est de ne pas croire aux fariboles de la foi chrétienne. Une étape préalable est de les amener à envisager qu’ils ont été trompés.
Conclusion
J’espère que vous vous sentez plein d’ardeur pour aimer et partager l’amour. Si vous le souhaitez je vous invite à prendre un petit carnet (j’aime beaucoup les petits carnets) pour en faire votre carnet de travail du témoignage. Vous y noterez :
● Ce que vous comprenez de Dieu en regardant et en écoutant la nature, les hommes, la Parole
● Ce que Dieu fait de particulier et de spécifique pour vous
● Les idées trucs et astuces qui vous aident à témoigner
● Les témoins qui vous inspirent et vous donnent envie de suivre Jésus
Avant d’écouter le 2ème épisode lancez-vous des petits défis :
● remercier le Seigneur pour les personnes qui ont joué un rôle déterminant dans mon chemin de foi,
● demander à un couple de me raconter comment il s’est rencontré ou à un consacré comment il a été appelé ou à un baptisé comment il s’est mis à la suite du Christ
● identifier celui des quatre amours qui est le plus faible et être attentif à laisser Dieu le faire grandir